Veut-on vraiment d’un nouveau projet de loi d’orientation pour le logement ?
Le bruit court qu’il nous faudrait une nouvelle loi d’orientation pour le logement. C’est en tout cas ce que le CESE affirme dans son avis adopté le 8 juillet 2025 à la quasi unanimité. Précisément le CESE réclame en tête de son rapport “une loi d’orientation pour le logement, suivie d’une loi de programmation quinquennale territorialisée s’appuyant sur la connaissance précise des besoins quantitatifs et qualitatifs, et de l’évaluation des moyens financiers nécessaires, grâce aux observatoires locaux et au suivi des délibérations des collectivités territoriales prenant en compte les attentes de la population.” Vaste programme. Demande aussi ambitieuse qu’inutile ?
Depuis l’adoption de la loi ELAN en 2018, l’appel à une loi de programmation ou d’orientation pour le logement est devenue une rengaine. Le Sénat, les associations d’élus locaux, la fédération des acteurs de la solidarité, la fondation pour le logement des défavorisés (ex Fondation Abbé Pierre), le Conseil National pour la Refondation pour le logement, même les fédérations de promoteurs… En bref, quasiment tous les acteurs qui gravitent autour du logement – et ils sont nombreux – ont ces dernières années appelé à une nouvelle orientation de la politique du logement portée par une loi et soutenue par le Gouvernement. Pour qui a un peu travaillé auprès de lobbyistes, ce type de préconisation facile et peu engageante n’a rien d’étonnant ni d’original. Toutefois, l’intensité de sa récurrence et son caractère transpartisan paraissent assez remarquables pour qu’on s’y intéresse.
En fait, l’appel à une nouvelle loi de programmation pour le logement doit simplement son succès à l’importance de la crise du logement que traverse la France depuis ces dernières années. Tous les rapports récents produits par les organismes précités en font un étalage exhaustif et répétitif. Et tous s’accordent à expliquer cette crise par les mesures prises directement par les gouvernements successifs depuis 2017, avec en vrac, et de façon non-exhaustive :
- le renoncement à aider les bailleurs sociaux à un niveau suffisant pour maintenir une capacité d’investissement confortable (baisse des APL, relèvement des taux de TVA, extinction des abondements de l’Etat à l’ANRU et au FNAP)
- la baisse du soutien à l’investissement dans le privé (suppression de l’APL accession, suppression du Pinel, durcissement des conditions d’accès au PTZ)
- la baisse de l’accompagnement des collectivités porteuses de projet de logement (suppression de la taxe d’habitation, non-compensation intégrales des exonérations et abattements de taxe foncière, fin des “aides aux maires bâtisseurs”)
- le laisser-faire sur la spéculation foncière et locative qui a explosé ces dernières années
Or ce sont les mêmes qui ont produit ces mesures qui sont toujours aux manettes aujourd’hui (la droite et le centre). Et force est de constater qu’ils paraissent tout-à-fait incapables de revenir en arrière. J’en tiens pour preuve leur obstination à reconduire chaque année la réforme de la baisse des APL contre l’avis de tous.
Alors, si loi il y a un jour, ma crainte est plutôt que le gouvernement propose au contraire des mesures aggravant la crise. Là-aussi j’ai mes preuves : la dernière fois qu’un ministre du logement s’est prêté à l’exercice (en l’occurrence à l’époque l’éphémère M. Guillaume Kasbarian), il a proposé de détricoter la fameuse loi SRU qui oblige les communes à se doter d’un parc social, et de pénaliser les locataires de HLM qui connaissent une petite hausse de rémunération de leur salaire, et d’inventer le bail mobilité pour le logement social (qui est en fait un bail qui protège moins le locataire qu’un bail d’habitation classique).
Donc merci mais non merci. Le macronisme a assez causé de dégâts comme ça. De la même manière qu’on n’incite pas un gouvernement raciste à faire une loi sur l’immigration, on n’a aucune raison de presser un gouvernement austéritaire et antisocial à proposer une loi de programmation pour la production de logement abordable.
En matière de politique du logement, la seule préconisation sensée est aujourd’hui celle de la rupture.